Pourquoi se préoccuper du traitement que réserve la Suisse aux multinationales qui y ont leur siège ? Parce que cela impacte aussi particulièrement les femmes et la planète...
Plusieurs articles sur ce sujet, notamment en lien avec la proposée RFFA (Réforme de la fiscalité et le financement de l’AVS), sur laquelle la population votera le 19 mai prochain, ont retenu l’attention de notre collectif La BISE. Quelques constats d’actualité qui agacent !
Tout d’abord, la réorganisation de l’imposition des plus grandes entreprises ayant leur siège en Suisse engendrerait, en cas de mise en œuvre de cette révision, des baisses de recettes fiscales conséquentes en Suisse. Plusieurs publications de Solidarités expliquent ainsi comment les mesures proposées creuseraient un trou dans les finances publiques qui retomberait en partie sur les femmes, via une baisse des dépenses pour les services publics. « Ce sont les femmes qui seront en première ligne pour subir les conséquences des coupes dans les prestations à la population. Celles-ci occupent la majorité des postes de travail dans la fonction publiques (86% du personnel soignant des hôpitaux, 68% des institutions sociales, 99% de l'accueil extrascolaire, etc.). Elles seront donc particulièrement touchées par les réductions d’effectifs et de dotations. Par leur travail non rémunéré également, les femmes doivent trop souvent pallier aux carences des services publics [comme pour la garde des enfants, les soins aux proches malades, âgé-e-s ou en situation de handicap, etc.]. Lorsque ceux-ci se détériorent, ce sont elles qui en paient le prix fort. » (Communiqué de presse du 8.10.2018)
Ensuite, cette réforme impacte également les populations des pays du Sud qui voient les recettes financières du pillage de leurs ressources poursuivre leur évasion vers la Suisse. En effet, le système de fiscalité suisse actuel et la révision proposée permettent et incitent, grâce à des avantages fiscaux pour les multinationales ayant leur siège en Suisse (mais dont les activités concrètes se font principalement dans les pays du Sud), de limiter leurs frais. Qu’il s’agisse de géants de l’agro-business ou de l’extraction minière, ces grandes entreprises mondialisées peuvent ainsi tranquillement tirer ce qu’elles souhaitent du sol de ces pays, sans que les recettes financières principales ne soient redistribuées à la population via l’impôt sur place. Elles payent leurs taxes en Suisse pour bénéficier de son faible taux d’imposition.
L’interview de Dominik Gross, paru en mars 2019 dans le journal du Syndicat suisse des services public amène une explication claire de ce phénomène et de ses conséquences sur les pays du Sud. « Faute de moyens financiers, les populations seront privées d’accès à des biens et services indispensables : éducation, souveraineté alimentaire, santé, sécurité sociale, eau et installations sanitaires, justice. Les plus pauvres seront les plus touchés (…) Si les pays à faible taux d’imposition pour les multinationales – comme la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Irlande ou les Etats-Unis – continuent leur course vers le bas, l’imposition des entreprises finira par être abolie. Cela saperait toute possibilité d’un développement durable mondial, sur les plans social et écologique, en continuant à subtiliser à l’hémisphère sud des ressources qui lui sont urgemment nécessaires pour lutter contre la pauvreté et mettre en place des systèmes de formation, de santé et d’infrastructures performants».
Ainsi, non seulement l’organisation actuelle et la réorganisation proposée dans la RFFA de la fiscalité des grandes multinationales ayant leur siège en Suisse attaquent les ressources publiques à disposition de la population résidant en Suisse, avec ses conséquences sur les femmes notamment, mais elle permet aussi de perpétuer les difficultés pour les populations des pays du Sud.
Pour finir, si ces multinationales bénéficient du régime fiscal rendu favorable par les lois Suisses, celles-ci ne sont pas pour autant soumises aux réglementations Suisses concernant les normes d'exploitations et de commerce, notamment en matière de protection de l’environnement et de droits humains. Ainsi, l’action de ces entreprises dans les pays du Sud engendre, en plus, de graves impacts environnementaux et humains, comme le montre les enquêtes de l’ONG suisse Public Eye sur l’herbicide mortel de Syngenta, les carburants toxiques de Glencore ou le travail des enfants dans l’extraction de l’or pour l’entreprise Valcambi.
Pour toutes ces raisons, au nom de la justice sociale et environnementale, il est non seulement crucial de rejeter la RFFA, qui bénéficie à ces entreprises nauséabondes et non aux populations d’ici et d’ailleurs, mais aussi de soutenir l’Initiative pour les multinationales responsables.
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